24 Avr 2015 En Sardaigne, le byssus est l’or de la mer
Considéré comme l’or de la mer, le byssus est connu depuis des temps très anciens et sa célébrité est légendaire. La Bible parle de cette sorte de lin fin, comme du tissu du roi Salomon ou celui de la reine Hécube. Aristote en parle également dans ses écrits.
Chaque année, à la première lune pleine du mois de mai, une femme plonge dans la mer pour récolter cet or et en faire du fil avec lequel créer de merveilleuses étoffes. Ceci semble presque la mise en scène d’un mythe mais, aujourd’hui encore, il existe une femme qui le fait en Italie. Cette femme s’appelle Chiara Vigo et vit sur l’île de Sant’Antioco, la plus grande des îles de la
Sardaigne, située au sud-ouest et à environ quatre-vingt kilomètres de Cagliari.
Pour les historiens, la petite ville de Sant’Antioco est la plus ancienne de la Sardaigne, fondée selon toute vraisemblance par les Phéniciens (les habitants du Liban actuel) au VIIe siècle av. J.-C. . Il est également fort probable que c’est justement sous la domination phénicienne que le byssus est arrivé sur l’île considérée comme son “royaume”. Le byssus n’est autre qu’une fibre d’origine animale particulière et de grand prix produite par un grand mollusque appelé Grande Nacre (dont le nom scientifique est Pinna nobilis) qui vit à une profondeur d’environ trois mètres sur les hauts-fonds de la Méditerranée. Lorsque ce mollusque bivalve se nourrit, il sécrète une bave particulière qui, au contact de l’eau de mer, se solidifie et devient une sorte de soie marine. Sa couleur ambre foncé se modifie lorsque cette soie est exposée à la lumière et devient or avec les rayons du soleil.
A Sant’Antioco, il existe une véritable tradition du tissage du byssus qui, en cette île, est considéré comme sacré. Ceci est tellement vrai qu’il existe les Maîtres du byssus qui, de génération en génération, se transmettent cet art avec une passation des consignes tout à fait spéciale. Il y a quelques années, madame Maria Maddalena, la grand-mère de Chiara, plongea dans la mer, au coucher du soleil, et avec sa grande robe de soie s’éloigna dans le sillage du soleil qui s’enfonçait dans la mer. Après être retournée à la rive et avoir prononcé les mots rituels, elle desserra son poing dans les mains de sa petite-fille et y déposa au creux de celles-ci une bague, un minuscule cercle d’or. C’était le serment de l’eau par lequel Chiara promit à son aïeule de conserver cet art selon les lois d’un savoir-faire millénaire, les lois de la Maîtrise artisanale qui, par exemple, interdisent d’utiliser le byssus dans le but d’un enrichissement personnel: le byssus est l’or de la mer et, tout comme la mer, il doit rester un bien de tous.
C’est à partir de ce moment que Chiara est devenue le nouveau Maître artisan du byssus. Sa maison/atelier est à Sant’Antioco, c’est ici que se trouve son métier à tisser en bois où elle tisse et file tout en prononçant les mots d’une longue prière. Il s’agit d’un métier à tisser typique de Sant’Antioco, avec des pieds en tronc d’olivier et le battant en bois de laurier rose, de même que la broche qui ne sera jamais vermoulue car le bois de laurier rose est vénéneux.
Au Moyen Âge, le byssus était utilisé pour les manteaux des rois et des papes et, en 1868, deux mille sept cents Grandes Nacres furent utilisées pour réaliser la cape nuptiale, entièrement de byssus, pour les noces de Maria Pia de Savoie avec le roi du Portugal. Si par le passé, il était possible de disposer de grandes quantités de filé d’une bonne longueur utile pour pouvoir créer des tissus entièrement tissés en chaîne et en trame de byssus, aujourd’hui les choses ont changé grâce, entre autres, à la sensibilité de Chiara qui a fait en sorte de concilier la tradition et la mémoire historique avec le respect de la nature. Etudiant l’écosystème de son île, Chiara a découvert qu’il est possible d’extraire la Grande Nacre de la mer sans l’endommager ou lui provoquer des traumatismes uniquement lors d’une période précise de l’année.
En effet, lors de la première lune de mai les fanges des hauts-fonds de la lagune mollissent en raison des conditions climatiques particulières et il est alors possible de détacher le mollusque, couper une partie de sa barbe de soie et le replanter dans la vase sans l’endommager.
Les merveilleuses œuvres tissées par la grand-mère de Chiara sont exposées dans de nombreux musées européens et, notamment, à Madrid, la cape qu’elle créa pour une autre Maria Pia de Savoie en 1942.
Par contre, pour admirer les œuvres de Chiara il suffit d’entrer dans la petite ville de Sant’Antioco par la rue principale: de nombreuses boutiques et ateliers ont un rideau fait de milliers de fils très fins sur lequel est tissé un couple de paons ou d’autres motifs traditionnels, toutes des décorations de la main de Chiara. Toute l’île parle de Chiara: c’est encore elle qui crée les coloris avec des méthodes naturelles en utilisant tout les éléments du paysage: pierres, plantes, mollusques, terre et mer.
Parmi les merveilleuses plages qui nous parlent d’elle, de sa grand-mère et de leur art extraordinaire, il y a Cala Lunga où se dressent encore les ruines d’un bâtiment phénicien et où, aujourd’hui encore, les pêcheur vont cuire leurs poissons. Après une suite de virages à pic sur la mer, au-delà de l’ancienne tour de garde, se trouve la petite plage de Turri où madame Maria Maddalena a offert le byssus à Chiara et où elle se baignait encore à l’âge de quatre-vingt ans. De l’autre côté de l’île se trouve le village de Calasetta (crique de la soie): c’est de cette localité que provient la famille de Chiara dont les origines remontent loin dans le temps: déportés politiques de l’Espagne à Madagascar, entre le XVIIIe et le XIXe siècles, ils arrivèrent à Carloforte, sur l’île voisine de San Pietro, célèbre pour ses falaises escarpées, ses plages rocheuses et ses eaux d’une merveilleuse limpidité, qui se trouve à environ 30 minutes de bateau de Calasetta.
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